Fara C L'Humanité
La chanteuse tresse ses racines sud-africaine, allemande et britannique avec ses amours jazz et pop. On entend la lumière.
Remarquée en 2015 à Jazz in Marciac, Julia Biel partage avec pudeur, en son nouveau CD, la paix intérieure qu’elle a conquise. La vie ne l’a pas ménagée. La chanteuse germano-britannique a dû surmonter la douleur du deuil, à la suite du décès de sa sœur, emportée par un cancer. Pour celle-ci, elle a écrit l’émouvante cantilène Hymn to the Unknown. Ses mélopées éthérées portent, au gré d’un album aux fragrances jazz, pop et folk, une plénitude musicale et émotionnelle.
Quand on demande à Julia pourquoi elle a donné ses prénom et nom (Julia Biel) pour titre à son 3e disque (ce qu’on fait en général pour un premier album), elle explique : « C’est ma manière d’exprimer que, enfin, j’ai trouvé mon identité. Un long chemin… Mon père, sud-africain, prof d’histoire, a été contraint à l’exil au temps de l’apartheid. Ma mère, allemande, ancienne dactylo, a eu besoin de prendre du recul par rapport au drame de la Seconde Guerre mondiale. Établis en banlieue londonienne, mes parents ont tenté de se reconstruire ensemble. Quand j’étais enfant, ils ne parlaient pas de leur culture respective, en espérant nous protéger, ma sœur et moi. Ce silence a provoqué en moi un vide, que j’ai pu combler en me dédiant à fond à la musique. » À la maison, on ne parlait pas de culture, on n’écoutait pas de musique. Mais, à l’âge de 5 ans, Julia s’est vu proposer des cours de piano par ses parents. En outre, elle a étudié le violon et s’est initiée à la guitare, aux percussions… L’auteure, compositrice, arrangeuse et polyinstrumentiste, qui s’accompagne au piano en concert, est plus qu’une chanteuse : une musicienne totale.
Refusant les barrières, elle a écouté Billie Holiday, Pink Floyd, Radiohead ou encore la bassiste Meshell Ndegeocello. Dans son disque, elle s’empare de Feeling Good, chanson popularisée par Nina Simone. Elle la réinvente, y imprimant le soleil qui semble flamboyer désormais en son âme. Dans sa belle émission (Open Jazz) consacrée à l’album de Julia Biel, Alex Dutilh déclare si justement : « On entend la lumière. » On entend aussi un arc-en-ciel irisé d’altérité, l’espoir d’une humanité pacifiée. Et on pense à l’Afrique du Sud libérée de l’apartheid, cette « nation arc-en-ciel » rêvée par Desmond Tutu.