Souffrant depuis des années d’un cancer, la grande chanteuse américaine, qui depuis plusieurs jours était placée sous soins palliatifs, s’est éteinte hier à son domicile de Détroit. Elle avait 76 ans.
Sa voix, lumineuse, onctueuse, vibrante, comme projetée par des flammes dorées, exceptionnellement étendue sur quatre octaves, ne résonnera plus que dans le souvenir. Hier, Aretha Franklin, couronnée depuis longtemps du titre de « reine de la soul », s’est éteinte dans son appartement de Détroit, où les médecins l’avaient placée en soins palliatifs, annonçant ainsi avoir perdu tout espoir de la voir triompher du cancer contre lequel elle a lutté pendant plusieurs années. Elle avait 76 ans.
C’est en 1967, avec Respect, qu’elle accède à la notoriété. Ce titre, composé par Otis Redding, est vite devenu un marqueur de la lutte pour la liberté dans les États-Unis de la ségrégation raciale. Respect est alors devenu un « hymne pour l’égalité », qu’il s’agisse de celle entre les Noirs et les Blancs, qu’il s’agisse de celle des hommes et des femmes. Propulsée ainsi au sommet des ventes de disques, Aretha Franklin a combattu l’idée selon laquelle le rhythm and blues aurait convenu au public noir alors que les oreilles des Blancs auraient accueilli beaucoup plus favorablement la pop…
En vérité, la carrière musicale d’Aretha débuta bien tôt, car dès son 5e anniversaire, elle chante à l’église, sous le regard bienveillant de son papa, le révérend Clarence LaVaughn Franklin, qui, dit-on, ne refusait pas de fumer un peu de cannabis et était surtout un amateur éclairé de jazz. Dans la maison familiale de Détroit, on pouvait alors croiser par exemple le pianiste Art Tatum, mais aussi les chanteurs de gospel Mahalia Jackson et Sam Cooke. Et voilà qu’elle a tout juste 14 ans quand un petit label local publie son premier enregistrement de Songs of Faith. À la même époque, elle donne naissance à un fils.
Elle découvre le racisme à l’état brut
Dans les tournées évangéliques de son père, elle découvre le racisme à l’état brut, celui des fast-foods et des pompes à essence qui refusent les clients à la peau sombre. Mais c’est un Blanc cependant, John Hammond, qui la fait signer chez Colombia, où en dépit de plusieurs albums le succès escompté n’est pas encore au rendez-vous.
La voilà en 1966 chez Atlantic, où sont déjà des artistes comme Ray Charles. Pour elle, le temps n’est plus alors au jazz vocal. Le personnage trouve sa voie, si l’on peut dire. Pendant les quelques années qui suivent, Aretha Franklin enregistre des « tubes » qui vont marquer toute sa carrière, outre Respect. Citons I Love You, Chain of Fools, Think ou encore The House that Jack Built. Arrivent aussi des mélodies plus sophistiquées, voire romantiques, comme Ain’t No Way, écrite par sa sœur Carolyn. Tout juste après, en 1968, le grand magazine Times lui consacre sa couverture en parlant du « son de la soul ». Une sacrée consécration en même temps qu’un bel hommage, qu’une reconnaissance. Cette époque est aussi celle, nouvelle, d’une fraternité sincère entre musiciens blancs et musiciens noirs.
Idéaux de justice et de liberté
Entre 1970 et 1972, Aretha Franklin publie encore de copieux recueils, comme Young, Giftef and Black (« jeune talentueuse et noire »), qu’elle promène avec grâce sur les scènes devant lesquelles son public est fidèle. C’est une époque aussi qui la voit par petites touches revenir aux sources de sa prime jeunesse, celles du gospel. Une de ses dernières apparitions publiques officielles remonte au 20 janvier 2009, pour la cérémonie d’investiture du président Barack Obama. Vingt ans avant elle avait enregistré Trough the Storm, en compagnie de James Brown, Elton John ou encore Whitney Houston. En 1980, on a aussi pu la voir au cinéma dans The Blues Brothers, de John Landis.
Aretha Franklin, qui le 9 avril 1968 chante aussi aux obsèques de Martin Luther King, a toujours témoigné de son engagement, de sa révolte, de ses idéaux de justice et de liberté. Que n’ont jamais repoussé les honneurs et les succès, symbolisés par 33 albums studio et plus de 75 millions de disques vendus, faisant d’elle la chanteuse ayant à ce jour vendu le plus de disques. Dernier acte, en novembre dernier, Aretha Franklin est montée une dernière fois sur scène, affaiblie, au profit d’une fondation américaine de lutte contre le sida. Généreuse jusqu’au bout.