La chanteuse du tube Tout c’qui nous sépare fait son retour après dix ans d’absence et sort un délicieux album d’inspiration jazz.
Des années que Jil Caplan n’avait pas fait parler d’elle. Alors, elle ouvre son cœur comme pour rattraper le temps qui passe, « qui nous aide à comprendre mieux qui on est, confie-t-elle, ce qu’est le rapport humain, même si cela reste un grand mystère ». La chanteuse, qui a marqué le paysage de la musique dans les années 1990 avec des tubes comme Tout c’qui nous sépare ou encore Natalie Wood, revient avec Imparfaite (Washi Washa/Warner). Un titre qui pourrait bien lui ressembler, dont elle s’amuse : « Pendant longtemps, on cherche une espèce de perfection. On nous demande d’être des super-amantes, super-femmes, super-mamans. Et puis on vieillit, on fait la paix avec tout ça. En fait, Imparfaite, pour moi, c’est pacifier quelque chose. C’est accepter de ne pas être parfaite, tout simplement. »
« Aujourd’hui, vocalement, je me sens beaucoup mieux. »
Ce huitième album est une nouvelle étape de la vie de Jil Caplan, dont les chansons d’inspiration jazz ont été composées avec la complicité de Romane, virtuose de la guitare manouche, et de Jean-Christophe Urbain, du groupe les Innocents. Un opus qui rompt dix ans de silence discographique. Pourquoi une aussi longue absence ? « Parce que je n’avais rien à dire de bien dans la musique. On essaie, on écrit, on cherche… Je trouvais que ce n’était pas très intéressant. »
Elle a fait d’autres choses, publié un recueil de textes en prose : « Cela m’a amusée de sortir du carcan de la chanson où tout est millimétré. Je venais de relire L’amour est un chien de l’enfer, de Bukowski, un écrivain que j’adore, qui éructe beaucoup, encore quelqu’un qui n’est pas parfait ! (rires) mais qui est drôle, loufoque et dit des choses de façon très crue. Je suis sensible à ça. » Elle a aussi monté des textes d’écrivains de la Beat Generation qu’elle a joués avec le comédien Philippe Calvario et le musicien Sébastien Martel à Avignon et à la Maison de la poésie à Paris, lui permettant de renouer avec sa première passion, le théâtre.
Avec ce nouvel album aux influences musicales jazzy, Jil Caplan se sent revivre, elle qui a appris à chanter quand elle avait 20 ans en écoutant des chanteuses de jazz comme Peggy Lee, Ella Fitzgerald, Billie Holliday ou Nina Simone. Imparfaite est un disque qui parle d’« amour et (de) désamour », sourit-elle, d’érotisme évoqué de manière métaphorique dans Nos chevaux sauvages, de rupture (En attendant que tu reviennes). On y trouve aussi deux voix masculines, celle de Benjamin Biolay, « on a en commun une grande timidité », et Thomas Dutronc, « qui a un côté manouche », avec qui elle chante en duo le Temps qui passe et Amour caravelle.
Des ambiances teintées de swing qui lui donnent des ailes après des années où elle n’assumait pas le fait d’être chanteuse : « Ça m’est tombé dessus après ma rencontre avec Jay Alanski (producteur compositeur de ses premiers disques, NDLR) et ça m’a menée sur quatre albums avec lui. C’est une expérience géniale. Mais je me suis toujours demandé si c’était ce que je voulais faire. Avant, j’assumais moins, j’étais complexée, je trouvais que je ne chantais pas très bien. Aujourd’hui, vocalement, je me sens beaucoup mieux. Je n’ai plus d’inquiétude. »
Victor Hache, l'Humanité