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Clara Luciani : « Beaucoup de choses reposent encore sur les épaules des femmes »

Trois ans après son très disco Cœur, la chanteuse devenue mère revient sur le devant de la scène avec un troisième album plus rock, intitulé Mon sang. Marraine cette saison du télécrochet Star Academy, elle fait aussi ses débuts au cinéma dans Joli Joli, qui sera à l’affiche à Noël.

 

Et, en fait pas du tout, j’aborde des sujets assez sombres. Dans la société, on a une vision assez édulcorée de la grossesse, de la maternité, or, ce sont des ascenseurs émotionnels, on est à fleur de peau pendant neuf mois. Ce disque correspond à cette hypersensibilité-là.

Dans l’autoportrait Courage, vous parlez justement de la charge mentale…

C’est la seule chanson que j’ai écrite après avoir eu mon enfant. Beaucoup de choses reposent encore sur les épaules des femmes. En 2024, beaucoup travaillent, adorent leur carrière, et j’en fais partie. Et c’est un vrai défi de réussir à cumuler les deux casquettes.

Le thème de la solitude est très présent. Quand elle est choisie, est-ce un luxe selon vous ?

Savoir être heureux et serein, seul avec soi-même, n’est pas donné à tout le monde, c’est cela, le vrai luxe. En fait, je me suis mise à apprécier cette solitude quelques mois avant qu’elle disparaisse pour longtemps. Et aussi joyeuses soient mes journées, en ce moment elle m’échappe.

Les guitares électriques traversent vos morceaux. Trouvez-vous une forme de douceur dans le rock ?

J’y trouve le doux réconfort de la nostalgie, parce que le rock, c’est ce que j’écoutais dans ma chambre d’adolescente. C’est vraiment mon premier contact avec la musique, l’époque où je me suis acheté une guitare. Ce sont aussi les après-midi avec mon père où j’apprenais les chansons des Beatles. D’ailleurs, dans ce disque, il y a des références assumées au groupe comme à la fin de mon duo avec le chanteur canadien Rufus Wainwright, Forget me not, avec ses envolées lyriques hyperorchestrées.

Votre mari, Alex Kapranos, leader du groupe de rock écossais Franz Ferdinand, influence-t-il votre travail ?

Oui, on se fait écouter beaucoup de choses. Il a ajouté quelques guitares sur ces chansons-là quand il se sentait inspiré, mais sans pression. Moi, je mets des chœurs partout, et j’en ai fait certains pour lui. Je trouve ça cool qu’on ait des participations comme ça, assez subtiles, mais qu’on sache aussi être deux individus à part entière, deux artistes.

À Noël, sortira au cinéma la comédie musicale Joli joli, qui marque vos débuts d’actrice. Un film coécrit par Diastème et Alex Beaupain, qui se déroule dans le Paris et le Rome des années 1970. Quel rôle y jouez-vous ?

Celui d’une actrice. C’est une histoire d’amour avec des rendez-vous manqués. Il y a un côté Feydeau avec un démon caché dans le placard. On m’a mis une perruque blonde et fait porter des robes inconfortables. Mais j’oubliais en me disant : « Ce n’est pas moi, c’est le personnage. » Cette expérience m’a poussée à me dépasser et à accepter mon image d’une autre façon.

Avez-vous pris du plaisir à jouer ?

Beaucoup. On dit « jouer la comédie » et c’est vraiment ça. Ce sont des métiers pour les enfants qui ne veulent pas vieillir. Cela me rappelle quand je me déguisais petite pour faire des spectacles. J’ai pris un coach et travaillé pendant des heures parce que j’avais vraiment envie de sonner juste. Et comme j’ai une passion pour les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy, j’étais dans une zone de confort. En plus, j’interprète des chansons écrites par Alex Beaupain dont je suis fan depuis l’âge de 14 ans.

Depuis le 12 octobre, vous êtes la marraine de la nouvelle saison de Star Academy, diffusée sur TF1. Pourquoi avoir accepté ?

Parce que j’adore ce rôle. Je le trouve en phase avec ma personnalité maternante. Autant je ne m’estime pas du tout légitime pour juger, autant j’aime accompagner avec bienveillance des artistes qui me font penser à moi il y a dix ans. Avec ma sœur, on regardait cette émission en se disant : « Peut-être qu’un jour on sera aussi des stars. » Cela nous faisait totalement rêver.

Dans le film Monsieur Aznavour, réalisé par Mehdi Idir et Grand Corps Malade, une phrase revient : « N’oublie pas d’où tu viens et où tu es aujourd’hui. » Cela vous inspire-t-il ?

Oui, d’autant que c’est une phrase que ma sœur me répète, surtout dans les moments où je n’ai pas confiance en moi. Elle me dit aussi : « On a été élevées à Martigues par des parents qui n’avaient pas un sou, et regarde tout ce qu’on a fait ! » Mon enfance, mon monde et mon milieu social, tout a été assez parfait.

Je n’aurais pas aimé venir d’ailleurs car j’ai reçu énormément d’amour. Et le fait d’avoir mangé des filets de maquereaux pendant tellement d’années et puis, tout à coup, d’avoir pu vivre de ma musique est tellement gratifiant. Ce parcours-là est très beau, j’en parle dans la chanson Allez.

Votre métier vous rend-il pleinement heureuse ?

Non, car même si je vis des moments magnifiques et très grisants, c’est aussi un métier d’image avec lequel je ne suis pas à l’aise. Et puis, j’ai toujours beaucoup d’angoisses, j’ai l’impression que cela va s’arrêter. Je crois que, pour être heureux dans ce métier, il faut avoir les pieds vraiment bien ancrés dans le sol. C’est quelque chose que seule la famille peut apporter, et je mesure ma chance d’être si bien accompagnée.

Mon sang, Clara Luciani, Romance. En tournée, les 17 et 18 décembre à l’Olympia, à Paris ; le 18 janvier 2025 au Zénith d’Amiens ; du 21 au 22 janvier au Liberté, à Rennes… Toutes les dates sur www.claraluciani.fr

Publié par l'Humanité

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