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Françoise Hardy, icône pop en liberté

Véritable icône, la chanteuse a incarné l’indépendance et la liberté, malgré ses saillies réactionnaires, en léguant une œuvre musicale majeure, devenant l’une des rares artistes hexagonales à séduire les univers pop-rock du monde entier. Elle est décédée dans sa 81e année.

La maladie, qui la poursuivait depuis des années, aura fatalement eu raison d’elle. Françoise Hardy est décédée dans sa 81e année. C’est son fils unique, Thomas, qui l’a annoncé mardi soir, sur les réseaux sociaux.

Le Printemps de Bourges avait anticipé la fâcheuse nouvelle en consacrant à l’icône deux soirées orchestrées par Sage, orfèvre de la pop française, qui ont fédéré la jeune garde de la chanson pop – Clara Luciani, Zaho de Sagazan, Voyou, November Ultra, Albin de la Simone ou encore Clara Ysé – comme preuve de son influence durable.

L’annonce de sa mort a reçu un écho mondial rare, jusqu’à Chuck D., leader du grand groupe de rap états-unien Public Enemy, et une pluie d’hommages a salué cette artiste branchée sur les avant-gardes anglo-saxonnes qui aura incarné l’émancipation des femmes, musicalement et physiquement.

L’égérie des années soixante aura finalement magnétisé ses publics

C’est pourtant timide et complexée qu’elle vit ses premières années. Françoise Hardy ne sait que faire de ce corps svelte et grand, maladroit « d’être là », et craint à chaque instant que l’imposture ne soit révélée. L’égérie des années 1960 aura finalement magnétisé ses publics. N’est-ce pas Mick Jagger, des Rolling Stones, qui la décréta « idéal et fantasme absolu » ? N’est-ce pas David Bowie ou Bob Dylan qui en tombèrent amoureux et se livrèrent à une cour prolongée auprès de cette gamine du 9e arrondissement de Paris ?

La chanteuse a incarné une époque, son époque, qui vient à peine de se clore. La fin des années 1950 a remisé les courbes marketées et les pulpes des pin-up. Les apparences androgynes fleurissent. Twiggy, Jean Seberg et Niko imposent une silhouette loin du vase clos des calendriers pour cabine de chauffeur routier.

En France, ce sera Françoise Hardy, puis Jane Birkin. Un vent libéral (au sens anglo-saxon) se lève sur la décennie à venir et les femmes se (re)dressent. Quand Adamo s’enquiert de l’autorisation parentale pour « emprunter » la main de sa bien-aimée, Hardy observe pour son premier succès « des garçons et des filles », « dans la rue », « main dans la main » et « amoureux ». 

Françoise Hardy fut une artiste. Sa disparition doit permettre de balayer un écueil. Il lui a souvent été associé l’image et le poids des « hommes de sa vie ». Le patriarcat semble peu enclin à tolérer le succès et les mérites s’ils ne sont pas de premier ordre et masculins. À longueur d’archives et d’entretiens, il est toujours questions du photographe Jean-Marie Périer, du chanteur Jacques Dutronc ou de son fils et musicien Thomas Dutronc. Françoise Hardy a écrit et composé musiques, romans et livres durant six décennies.

La littérature et la musique lui servent de tuteur

La chanteuse naît le 17 janvier 1944 à Paris dans le fécond 9e arrondissement qui verra éclore notamment Jacques Dutronc et Johnny Hallyday. Fruit d’une relation adultérine, Françoise grandira, avec sa sœur cadette, aux côtés d’une mère – célibataire et aide-comptable. Le père est absent. Les pensions, les cadeaux, les attentions et les présences n’existent guère. Face aux remontrances de sa grand-mère, la jeune fille se mure, ou plutôt grandit de l’intérieur. La littérature et la musique lui servent de tuteur. Madame rêve.

Elvis Presley remplace vite Georges Guétary. En juin 1960, Françoise Hardy reçoit une guitare en retour de l’obtention du baccalauréat. Il lui faudra un an avant de s’en emparer. Elle dit se trouver « limitée » et ne connaître que « trois ou quatre accords ». La simplicité est souvent difficile ; l’émotion est à l’os. Sur une idée de Sacha Guitry, Mireille Hartuch dirige, depuis le milieu des années 1950, un conservatoire destiné à la chanson et à la variété. Françoise Hardy s’y inscrit après un échec auprès d’une maison de disques.

Dès sa première télévision, l’artiste subjugue. Le label Vogue veut désormais en faire le pendant féminin d’un certain Jean-Philippe Smet. À la faveur d’un intermède musical lors des résultats du référendum de 1962, dédié au suffrage universel direct, Hardy apparaît à nouveau à l’écran et les Français prononcent un grand oui. En moins de deux mois, le titre Tous les garçons et les filles atteindra les 500 000 exemplaires vendus, puis un million de copies. La timide Françoise Hardy a déclenché une tornade. Cinéastes, acteurs, créateurs de mode, photographes et musiciens sont à genoux.

En 1970, elle est au sommet

Françoise ne comprend pas ce succès et se laisse porter. L’Angleterre l’acclame puis l’Europe la réclame. Roger Vadim, Yves Saint-Laurent, Françoise Sagan, William Klein, Paco Rabanne, André Courrèges redoublent d’imagination pour approcher le mythe en devenir, car, en parallèle de sa carrière immense, Hardy a créé une icône.

Derrière les bottes, les franges et les minijupes ou même le Perfecto en cuir qui peuplent, fort heureusement, nos rues, il y a Françoise Hardy, libre et convaincue. En 1970, elle est au sommet, une égérie. Elle a visité le monde et les continents avec « ses mélancolies, ses nostalgies et ses musiques tristes ». Elle a déjà publié neuf disques, dont deux en anglais et le tubesque Comment te dire adieu, en 1968, quand elle lance, avec le disque Soleil, son propre réseau de distribution de disques et décide de s’affranchir de son producteur.

Elle a déjà travaillé avec Gainsbourg. Hardy explore. En 1971, elle publie la Question, en réponse au régime en place au Brésil, au point d’en emprunter les sonorités. « J’ai eu l’impression, avec cet album, de grimper un échelon. J’allais vers une certaine forme de sophistication qui, malheureusement, est moins populaire », avouera-t-elle.

Si elle exaspérait par son tropisme réactionnaire, maudissant « l’égalitarisme », fustigeant les impôts et les services publics, ou agaçait par son mysticisme astrologique et cartomancien, la chanteuse n’aura de cesse de se réinventer et de s’offrir en partage. Elle a agrégé Berger, Jonasz, plus tard Biolay ou encore Daho, son plus grand admirateur, mais aussi dispensé sa plume et son aile auprès notamment de Véronique Sanson. Et de retenir, parmi ses 28 disques publiés; le Danger (1996), dont la magie rock incantatoire est placée sous le signe notamment de Rodolphe Burger. Ne chantait-elle pas, sur le titre Zéro partout, où elle affirmait n’avoir plus rien perdre, ni à quel point elle s’en foutait : « La beauté niée, détournée/On aimerait rire/Des faux soupirs/Au moins lui dire/Le vain miroir qu’elle tend, les fards/Le vent qu’elle vend. »

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